
À 28 ans, Adèle Chometon a redonné vie à un savoir-faire oublié dans le Cantal : la fabrication artisanale d’huiles alimentaires. Installée à Murat depuis 2022, elle y a fondé une huilerie unique, alliant machines centenaires et matières premières 100 % françaises. « Je fabrique des huiles alimentaires torréfiées — noix, noisette, amande, cacahuète, graine de courge — avec des machines de 1905, restaurées après les avoir récupérées à Saint-Amant-de-Boixe », raconte la créatrice du Moulin d’Adèle. Une autre gamme, de colza et de tournesol bio, est produite à froid, avec des équipements plus récents.
Ingénieure agronome de formation, Adèle cherchait à s’ancrer dans le Cantal, région d’origine de sa mère et territoire natal de son compagnon. Le déclic ? Un vieux document mentionnant la disparition des moulins à huile dans le département. « On a trouvé que c’était dommage que ce savoir-faire ait été perdu », dit-elle. En visitant des huileries du Lot et du Périgord, puis en rencontrant une artisane à Ludès, elle découvre un univers passionnant. La formation, l’achat des machines, leur restauration : tout s’est enchaîné entre 2021 et 2022.
« C’était trop chouette ! »
Sa démarche séduit au-delà des frontières locales. Sélectionnée pour représenter le Cantal à l’exposition « Fabriqué en France » à l’Élysée, Adèle salue l’initiative présidentielle : « C’est pour mettre en avant les savoir-faire français. Chaque département est représenté. C’était trop chouette. » Et cette visibilité lui ouvre des portes : en plus du circuit local, ses huiles trouvent désormais preneur jusqu’en Belgique et en Italie.
L’entreprise ne compte qu’une seule salariée : elle-même. Mais les choses évoluent. « Depuis six mois, j’arrive à me verser un salaire », confie-t-elle, après deux années de labeur. « Mon objectif maintenant, c’est de pérenniser l’entreprise et d’embaucher quelqu’un. Toute seule, je suis à un plafond : quand je produis, je ne vends pas, et inversement. »
Primée médaille d’or au Concours général agricole 2024 pour son huile de noix, Adèle mise sur la qualité. Elle s’inspire des pratiques traditionnelles, tout en les adaptant aux connaissances actuelles. « Avant, on chauffait beaucoup les graines pour augmenter le rendement. Mais plus on chauffe, plus on dégrade les oméga-3 et la vitamine E. J’ai trouvé un équilibre pour garder l’intérêt nutritionnel. »
100% produits français
Ses matières premières sont toutes françaises, souvent issues de circuits courts : noix du Lot, noisettes et amandes du Lot-et-Garonne, cacahuètes des Landes, graines de courge d’Orléans, colza et tournesol bio du Cantal et du Puy-de-Dôme. « Pour certaines, je travaille en direct avec les producteurs, pour d’autres avec des coopératives ou des groupements », précise-t-elle.
Avec une production annuelle d’environ 3 000 litres, elle ne cherche pas à concurrencer les industriels. « Je suis sur un créneau artisanal. Ça permet de faire vivre une personne, bientôt deux je l’espère. » Une ambition mesurée mais portée par une conviction forte : renouer avec une tradition locale tout en créant un avenir durable, depuis Murat, « où tout a commencé ».
Geneviève Colonna d’Istria